Depuis le vendredi 10 octobre, l’ensemble de nos lycées publics est frappé de plein fouet par le rançongiciel Qilin, provoquant la paralysie quasi-totale de près des trois quarts des établissements des académies d’Amiens et de Lille.
Ce sont tous les services de l’éducation qui sont démantelés : messagerie, gestion des absences et retards des élèves, remontée des notes sur les livrets scolaires en ligne et sur Parcoursup, gestion de la restauration, gestion administrative des personnels, accès aux ressources et logiciels pédagogiques, ateliers techniques, tout est bloqué. C’est l’Éducation nationale, dans son intégralité, qui est sacrifiée.
La CGT Éduc’action refuse de solliciter le Recteur à ce sujet. Nous connaissons à l’avance sa réponse. Il nous répondra simplement que la responsabilité de ce désastre ne relève pas de l’institution académique.
Pourtant, cette cyberattaque est le résultat direct des décisions prises depuis 2022 avec la création de la DRA-SI. En centralisant l’informatique au niveau régional et en retirant les agents territoriaux du terrain pour les cantonner à des tâches matérielles, l’État et la Région ont affaibli la sécurité informatique des établissements. Dans les faits, il y a aujourd’hui moins de présence technique, des serveurs Microsoft centralisés qui sont devenus des cibles idéales, et une dépendance totale à une infrastructure unique. Tout était réuni pour qu’une attaque réussisse. La preuve : les serveurs pédagogiques locaux, plus isolés, n’ont pas été touchés.
La conséquence est sans appel : les lycées privés sous contrat ayant refusé la centralisation numérique et la dépendance au système Microsoft imposées par la Région Hauts-de-France continuent de fonctionner. Le service public est le seul à subir.
Tel est le prix de choix politiques dangereux faits au détriment de la sécurité, des personnels et des élèves. Et cela, on peut l’imputer au ministère de l’Éducation nationale, ainsi qu’au président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et sa majorité régionale. Leur politique d’externalisation, de sous-investissement et de dépendance systématique aux multinationales a délibérément exposé le service public à ce type d’agression…
Pire encore, en plein chaos, la Région HDF maintient son projet de diminuer la Dotation Globale de Fonctionnement de nos lycées de près de deux millions d’euros, attestant que l’affaiblissement du service public est bel et bien un objectif structurel. Dans un article publié le 14 octobre par L’Union (« Un précédent dangereux : les lycées publics des Hauts-de-France invités à trouver des financements privés » : https://www.lunion.fr/id756018/ article/2025–10-14/un-precedent-dangereux-les-lycees-publics-des-hauts-de-france-invites-trouver), le journal révèle que la Région incite les établissements à diversifier leurs ressources en recherchant des financements extérieurs, notamment privés. Une telle orientation, dénoncée comme un « précédent dangereux », fait craindre un accroissement des inégalités entre lycées et une remise en cause du principe d’égalité d’accès à l’éducation publique.
En attendant, la paralysie informatique constitue un sabotage pédagogique sans précédent. Les enseignants sont empêchés de travailler les compétences fondamentales, les programmes prennent un retard que nos élèves seront contraints d’assumer, créant ainsi une rupture d’égalité entre élèves du public et du privé. Il n’est pas possible d’avoir accès aux ressources pédagogiques de l’ENT ni d’utiliser les logiciels de cartographie, de modélisation 3D, de création graphique, de conception, de gestion de la maintenance, de programmation d’automate, de gestion des réseaux, etc. : ce sont toutes les filières, professionnelles et techniques comme générales, qui sont impactées.
Face à cette crise, l’Administration ne propose pour l’instant qu’une injonction méprisante : l’appel à la débrouille personnelle.
Il est totalement intolérable de demander aux personnels de pallier les carences de la Région et de l’État en mobilisant leurs propres ressources comme les téléphones portables, les ordinateurs, les connexions 3G et 4G issues de leurs abonnements de téléphonie cellulaire : la CGT Éduc’action condamne ce transfert de responsabilité inacceptable.
Nos outils de travail sont une obligation de l’employeur et non une variable d’ajustement. Notre employeur est le ministère de l’Éducation nationale, ce n’est pas la région Hauts-de-France. C’est à l’État de pallier aujourd’hui la défaillance de la région HDF et d’équiper sérieusement ses personnels en matériel informatique, pas simplement par une prime annuelle dérisoire.
Pendant que la Région spécule sur un retour à la normale en plusieurs semaines, nos collègues techniciens informatiques sont placés sous une pression professionnelle intenable, privés de répit, contraints de réparer le désastre causé par les décisions de leurs élus.
La CGT Éduc’action exige l’application immédiate d’un plan d’urgence massif pour le rétablissement d’infrastructures sécurisées, l’octroi de renforts humains pour les personnels techniques, une transparence totale sur l’ampleur des données compromises, et surtout l’interdiction formelle de contraindre tout personnel à utiliser son matériel personnel pour les besoins du service.
Nous exigeons le déploiement urgent de solutions informatiques alternatives, sécurisées et réellement souveraines, notamment par l’application de la circulaire de 2012 « Orientations pour l’usage des logiciels libres dans l’administration », qui demande que l’administration publique passe au logiciel libre pour une souveraineté numérique (https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/ id/35837).
Assez du mépris et de l’austérité ! Nous appelons l’ensemble des personnels à la mobilisation et au refus catégorique d’utiliser leurs outils personnels. Il est temps d’organiser la riposte collective et d’interpeller sans concession Xavier Bertrand lors des prochaines instances comme au CESER ou au CAEN.